Alpine aux 24 Heures du Mans

alpine-renault-24h-du-mans-histoire-8Dès le lancement de sa marque, Jean Rédélé a pris l’option de développer Alpine grâce à ses succès sportifs. On sait les brillants résultats obtenus aux Mille Miglia et plus tard au Rallye Monte-Carlo. On a aussi apprécié ceux réalisés lors du Tour de France Automobile au point que l’A110 va y gagner son appellation de « Berlinette Tour de France ». Mais Jean Rédélé a rapidement conscience qu’une marque automobile ne peut être qualifiée de « sportive » que si elle s’engage aux 24 Heures du Mans, épreuve reine du calendrier sportif international suivie dans le monde entier avec d’heureuses conséquences en termes d’image en cas de succès.

[slideshow id=448]Compte tenu de ses moyens financiers limités pour participer à ce rendez- vous incontournable, il lui faut faire preuve d’intelligence et de finesse, deux qualités personnelles qu’il a su transposer sur ses modèles. La composition de l’équipe dont il s’entoure pour mener à bien cet ambitieux projet répond au premier critère et le choix du type de prototype engagé correspond au second.

1.1 UN DOUBLE TITRE POUR COMMENCER
alpine-renault-24h-du-mans-histoire-4Sur les conseils de Gérard Crombac et de José Rosinski — animateurs du magazine « Sport Auto » et réputés, à juste titre, pour la pertinence de leurs jugements — il approche, courant 1962, Len Terry, un jeune ingénieur anglais qui a travaillé sur le châssis de la Lotus 23. Cette saine base de- vrait lui faire gagner un temps précieux. En effet, Jean Rédélé, toujours aussi pressé, veut engager plusieurs autos dès les 24 Heures du Mans 1963. L’idée est bonne mais la CSI (Commission Sportive Internationale) qui définit les normes sportives change le règlement pour 1964 et le châssis de Terry devient obsolète ! Bernard Boyer et Richard Bouleau, deux amis qui ont réalisé la Sirmac de Formule Junior, prennent le relais et conçoivent, en quelques mois, un châssis constitué de deux ensembles de treillis tubulaires évidemment reliés par une poutre centrale comme est dotée la berlinette, déjà modèle de référence de la marque dieppoise. Les suspensions reprennent le dessin de Len Terry avec porte-moyeux moulés Lotus.

La mécanique est bien sûr celle élaborée par « le sorcier » Amédée Gordini sur la base du moteur de la Renault 8 mais avec une culasse à double arbre à cames en tête et une alimentation gavée par deux carburateurs Weber. Tout ceci est finement joué techniquement et économiquement. Pour finaliser le projet dans ce même état d’esprit, l’étude de la carrosserie a été confiée à un jeune technicien ingénieux, formé par Romani au BEST après avoir travaillé auprès d’André-Georges Claude sur la fameuse « boite à cinq rapports » dont Rédélé et son ami Louis Pons ont acquis la licence. Cet homme « aux semelles de vent », s’appelle Marcel Hubert. Son bon sens, sa simplicité et son approche systémique de l’aérodynamisme à une époque où chacun pensait que seule comptait la puissance, va révolutionner le monde du prototype jusqu’à l’arrivée des études pilotées par l’informatique.

Le premier « prototype » Alpine — dénommé M 63 pour « Le Mans 1963 » — débarque du camion Renault de la concession dieppoise le 7 avril. Il va participer aux essais préliminaires des 24 Heures du Mans sur le circuit emblématique sarthois. Il y effectue son baptême de piste sous les mains expertes du champion de France de Formule Junior José Rosinski. Celui- ci cumule les fonctions de pilote, directeur d’écurie, journaliste essayeur à Sport Auto tout en restant d’une élégance rare ce qui ne peut que séduire Jean Rédélé. Rosinski atteint les 220 km/h — avec un tout petit moteur de 996 cm3 — dès les premiers roulages sur la ligne droite des Hunaudières et signe un excellent temps de référence, prouvant ainsi le bien fondé des idées et des travaux des concepteurs de cette belle auto bleue.

La machine est lancée.
Convaincu, ambitieux et courageux, Jean Rédélé fait immédiatement en- gager cette toute nouvelle voiture dans une manche du très renommé Championnat du Monde de la spécialité et quelle manche : les terribles Mille Kilomètres du Nürburgring. Il y envoie, mi-mai, José Rosinski flanqué d’un pilote américain habitué aux grosses cylindrées, Lloyd Perry « Lucky » Casner, vainqueur ici même en 1961 au volant de la fameuse Maserati Type T-61 « Birdcage ». Le frêle prototype Alpine (châssis 1701) — jugé « assez pointu » à piloter par l’équipage — termine onzième au classement général, premier de catégorie et avec, en prime, le record du tour dans sa cylindrée. CQFD.

Alpine sort du cercle des initiés et la marque devient l’objet de nombreux reportages avant les 24 Heures du Mans qui se disputent mi-juin. Deux autres voitures ont été mises en chantier et c’est une équipe de trois M 63 qui se présente au pesage, sous le regard radieux de Jean Rédélé. Celui-ci, habile commerçant, a signé, l’année précédente, un accord de fabrication sous licence au Brésil avec la firme Willys qui produit déjà des Dauphine Renault et désormais des Alpine commercialisées sous le nom d’Interlagos. À titre de réciprocité, leur pilote de développement, Christian « Bino » Heins est engagé avec José Rosinski sur une M 63 (châssis 1702). Malheureusement, le jeune brésilien se tuera à 20h20 en glissant sur l’huile répandue par le carter éclaté de l’Aston Martin de Bruce Mc Laren. Ce sera le seul pilote à perdre la vie au volant d’une Alpine engagée officiellement. Les trois M 63 abandonnent. Quinze jours plus tard, les deux survivantes sont réengagées à Reims où elles se classent neuvième et onzième à l’arrivée, José Rosinski enlevant à nouveau la classe « moins de 1000 cm3 ». À l’issue de la saison 1963, José Rosinski coiffe, dès la pre- mière année de course des prototypes Alpine, le titre de Champion de France de la spécialité. Désormais, Alpine est reconnu comme challenger et les voitures arborant le « A » fléché sur leur capot sont alignées successivement à Sebring (en Floride), à la Targa Florio (en Sicile) et dans le massif de l’Eiffel, au Nürburgring. En évolution permanente, elles reçoivent les appellations de M 63 puis M 63 B et enfin M 64, cette dernière étant plus fine que ses devancières. À noter qu’elles courent toujours aujourd’hui dans le cadre des meetings réservés aux véhicules historiques de compé- tition et cumulent victoire sur victoire.

1.2 LA REINE DE L’INDICE
Misant sur la finesse de sa carrosserie et sur la cylindrée réduite de ses mécaniques, Alpine vise en particulier les « Indice de Rendement Energétique » (rapport entre consommation d’essence et vitesse) et « Indice de Performance » (rapport entre distance parcourue et cylindrée).

Cette cible s’avèrera rapidement atteinte puisque, dès 1964, l’irlandais Henry Morrogh et le gentleman driver français Roger Delageneste frôlent les quatre mille kilomètres de course lors des 24 Heures du Mans 1964, remportent la classe 1150 (avec record en prime) tout en n’ayant con- sommé que 13,1 Litres aux 100 kilomètres ce qui leur octroie l’Indice de Rendement Energétique. Le public et la presse spécialisée louent l’exploit, bien relayé par Renault qui se rapproche sensiblement de la marque Alpine.

Le même équipage double la mise lors des « Douze Heures de Reims », en remportant la catégorie 1300 avant de terminer second de catégorie aux « Mille Kilomètres de Paris » en fin de saison. Le nouveau titre de Champion de France des Sport Prototype, acquis cette fois par Roger Delageneste sur M 64, est la juste reconnaissance de ses exploits.

Pour l’année 1965, Alpine dévoile une nouvelle évolution de ses prototypes, désormais baptisée M 65 et caractérisée par un arrière tronqué et des dérives latérales apportant une nouvelle stabilité à l’auto à vive allure. Avec un petit moteur de 1149 cm3, Henri Grandsire — récent Champion de France F3 sur Alpine — va dépasser les 250 km/h au Mans avant de devoir abandonner. Superbe revanche trois semaines plus tard où les quatre prototypes Alpine passent ensemble la ligne d’arrivée à Reims. Désormais équipés du futur célébrissime moteur 1300 Gordini, ils se sont octroyé les quatre premières places de catégorie. Encore mieux : le 5 sep- tembre, Lucien et Mauro Bianchi ramènent la première victoire scratch d’un prototype Alpine après avoir gagné les difficiles « 500 kilomètres du Nürburgring » avec leur M 65 1296 cm3 (châssis 1719). Les photos de ces victoires couvrent tous les journaux.

La M 65 se mue en A 210 après avoir bénéficié de suspensions à plus grand débattement et d’un nouveau carénage inférieur même si la carrosserie, extérieurement, n’évolue pas. Mauro Bianchi — pilote d’essai et de développement d’Alpine — signe un temps canon aux essais d’avril sur le circuit du Mans avant que deux A 210 enlèvent leur catégorie lors des « 1000 Kilomètres de Monza » en Italie puis aux « 1000 Kilomètres de Spa » en Belgique. Ces succès sont confirmés lors des 24 Heures du Mans en juin puisqu’Henri Grandsire — devenu Michel Vaillant à la télévision, où il pilote des Alpine-Vaillant dans un feuilleton dominical — enlève la classe 1300. Simultanément Roger Delageneste, associé à Jacques Cheinisse, ramène une seconde fois l’indice énergétique à Dieppe (châssis 1721). Désormais « l’Alpine est le litre d’essence le plus vite du monde », slogan publicitaire très « punchy » élaboré par Publicis pour Renault. Mauro Bianchi va encore gagner le scratch à Macao avec une A 210 (châssis 1722) le 20 novembre — devant une foule asiatique ébahie — après avoir également dominé la course des « tourisme » avec une Renault 8 Gordini.

Devant ces succès répétés, Renault accepte — en février 1967 — de dé- bloquer les budgets nécessaires à l’étude et à la réalisation d’un moteur V8 de trois litres de cylindrée pour permettre à Alpine d’aller combattre pour la victoire au classement général aux 24 Heures du Mans en particu- lier. Ce projet est confié à Amédée Gordini. Malheureusement pour « le sorcier », le monde de la course automobile a beaucoup évolué et l’arrivée de grands constructeurs aux moyens techniques et financiers importants rend la tâche de l’artisan plus difficile. Jamais le V8 ne sera compétitif face aux V12 Matra et Ferrari, ni aux V8 Ford Cosworth, hélas.

En attendant la sortie de ce moteur, Alpine continue à faire courir — avec succès — ses prototypes A 210 désormais officiellement badgés « Alpine Renault » avec des mécaniques 1000, 1300, et 1500, engrangeant de beaux classements au Mans, à Reims, à Madrid, au Nürburgring, à Montlhéry et même à Kyalami, en Afrique du Sud (Depailler-Grandsire, 7° au scratch sur A 210 1470 cm3 – châssis 1725).

1.3 FAIRE GAGNER LA FRANCE
1968, c’est la grande année révolutionnaire… pour Alpine. Tout a commencé à l’automne 1967 quand Gordini a livré à Dieppe le moteur V8 de 2995 cm3. Immédiatement monté dans un châssis A 210 (châssis 1727) l’auto — rebaptisée A 211 — va d’abord s’ébrouer à Ladoux sur les pistes d’essais Michelin avant d’aller affronter le béton et l’asphalte de Montlhéry dans le cadre des « Mille Kilomètres de Paris », le 15 octobre. Grandsire et Bianchi terminent septième au classement général avec cette auto équi- pée, autre nouveauté essentielle, de pneus Michelin radiaux slick. Même le Général de Gaulle a été interpellé par cette A 211 exposée sur le stand Renault dans le cadre du Salon de l’Auto de Paris, lors de l’inauguration officielle sous les lustres du Palais des Expositions Porte de Versailles. À la question posée par le Président à Jean Rédélé « À quoi sert la course automobile ? » le créateur de la marque lui a répondu « À faire gagner la France, mon Général ! »…

Cette A 211 — vite surnommée « la Grand-mère » avec toute la tendresse qui se rattache à cette appellation — court encore les « 12 Heures de Sebring  » (U.S.A.), les « Mille Kilomètres de Monza » (Italie), du Nürburgring (Allemagne) et de Spa (Belgique) avant de céder la place aux A 220 dont la première sortie s’effectue, en août, lors des « 1000 Kilomètres de Zeltweg » en Autriche.

Evidemment, il était prévu qu’elles participent aux 24 Heures du Mans en juin mais, heureusement pour Alpine, « les événements du Printemps 68 » ont fait repousser l’épreuve en septembre ce qui a permis à l’équipe des mécaniciens d’Alpine de terminer leurs montages dans les prairies nor- mandes puisque les usines étaient « occupées ». Malgré — ou, à cause — de ces conditions, les quatre A 220 firent une prestation moyenne lors de ces exceptionnelles « 24 Heures du Mans » automnales. Châssis élaboré sans réel budget et dans l’urgence, stabilité relative à haute vitesse né- cessitant la pose d’un peigne en queue et surtout beaucoup de vibrations engendrées par un moteur Gordini pourtant peu puissant par rapport à la concurrence. Bref, c’est l’échec, encore plus douloureusement vécu avec le terrifiant accident survenu à Mauro Bianchi, grièvement brûlé dans son A 220 alors que son frère Lucien triomphait à bord de sa Ford GT 40. Au milieu de tous ces malheurs, Alpine trouve quand même un peu de récon- fort avec la double victoire à l’Indice de Performance obtenue par les rallymen Jean-Claude Andruet et Jean-Pierre Nicolas sur A 210 1005 cm3 (châssis 1725) complétée par celle de Jean-Luc Thérier – Bernard Tramont sur A 210 1296 cm3 (châssis 1721) à l’Indice Energétique.

Belle revanche des « trois litres » aux « Mille Kilomètres de Paris » un mois plus tard où les deux A 220 terminent 4°et 6°au c lassement général, puis au Maroc lors du Grand Prix de Casablanca où André de Cortanze, pilote ingénieur, offre une victoire scratch à l’A 220, le 20 octobre.

Pour la saison 1969, le Bureau d’Etudes — animé par le pilote précité — modifie l’A 220 en reportant les radiateurs en porte à faux arrière. Patrick Depailler, futur Champion de France F3 sur Alpine A 360 en 1971, et Jean-Pierre Jabouille, deux excellents pilotes français, confirment la pertinence de ce choix en terminant sixième lors des « Mille Kilomètres de Monza ». Hélas, au Mans, tout va mal. Toutes les Alpine abandonnent sauf la petite A 210 1005 cm3 (châssis 1723) pilotée par Alain Serpaggi, nouveau metteur au point de la marque, et Christian Ethuin. Ils gagnent leur classe et enlèvent l’Indice de Performance. C’est la cinquième et dernière victoire aux indices : trois au Rendement Energétique (1964 – 1965 et 1968) et deux à l’Indice de Performance (1968 et 1969). C’est également la septième victoire de classe obtenue entre 1963 et 1969. Un joli score. C’est aussi hélas la fin des Prototypes pour Alpine qui va se consacrer aux rallyes. Seul, Jean Vinatier va encore placer l’A 220 (châssis 1731) à la seconde place lors d’une course disputée en automne à Nogaro. Jean-Pierre Jabouille va quant à lui engager cette même A 220 « raccourcie » au « Critérium des Cévennes », un rallye de fin de saison. Cette voiture existe toujours dans cette configuration et a été exposée au Salon Rétromobile 2013 sur le stand Renault Classic.

TABLEAU DE SYNTHESE (ANNÉES 60)

– 25 Prototypes construits entre 1963 et 1969

– Tableau des Productions
Type M63 : 4 / M63B : 1 / M64 : 4 / M65 : 2 / A210 : 6 (A211 : 1) / A220 : 4 / A220B: 4

– 44 engagements aux 24 Heures du Mans
7 victoires de classe
3 victoires « Indice Energétique » (1964 – 1965 – 1968)
2 victoires « Indice de Performance » (1968 – 1969)

– Autres victoires marquantes : 3 victoires scratch
500 km du Nürburgring (1965) GP de Macao (1966)
GP de Casablanca (1968)

– Deux titres de Champion de France : 1963 avec José Rosinski (M 63) 1964 avec Roger Delageneste (M 64)

LA PÉRIODE JAUNE, LES PROTOTYPES RENAULT-ALPINE
2.1 CHAMPION D’EUROPE

Renault a pris possession d’Alpine le 1er janvier 1973. L’emblématique Directeur du Service Compétition, Jacques Cheinisse, garde ses fonctions mais est désormais placé sous la marque au losange. Sous l’impulsion de Jean Terramorsi, Directeur de Renault Gordini et de François Guiter, Di- recteur de la Compétition chez Elf, un moteur V6 a été mis en chantier en 1972 et le 15 janvier 1973, il est présenté à la Presse. Le 1er mai de cette même année, un nouveau prototype Alpine Renault, dénommé A 440, est engagé à Magny Cours, temple du sport automobile tricolore. À la fin de ce mois, il est à nouveau engagé en course, cette fois à Croix en Ternois, dans le nord de la France. Il triomphe dans les deux manches courues aux mains de Jean-Pierre Jabouille. Quelques places d’honneur viendront en complément (Imola 7e, Charade 3e, Nogaro 2d) un peu éclipsées par le triomphe des berlinettes A110 au Championnat du Monde des Rallyes. À noter, qu’en 1973 également, Alpine gagne en F2 à Pau (François Cevert) et F3 (Alain Serpaggi), affirmant ainsi sa position de marque ultra sportive. La Haute Direction de Renault souhaite qu’Alpine revienne en Endurance et accepte le principe d’un retour programmé en deux étapes. D’abord courir — et si possible gagner — dans le nouveau Championnat d’Europe des Sport-Prototypes deux litres puis, travailler à élaborer une auto ca- pable de gagner le scratch aux 24 Heures du Mans, un ambitieux objectif clairement affiché.

Marcel Hubert, à nouveau sollicité pour ce redémarrage, retravaille son A 440 en l’affinant en collaboration avec le Bureau d’Etudes animé par An- dré de Cortanze qui redessine le châssis. Désormais, le moteur placé der- rière le dos du pilote, est porteur, le désaccouplement du propulseur en est facilité alors que la tenue de route est sensiblement améliorée. Cette nouveauté est baptisée A 441. Elégante et racée, elle quitte la robe bleue Alpine pour arborer les couleurs de Renault, le blanc, le jaune et le noir. Son « bal des deb' » a lieu sur le circuit du Castellet dans le cadre du nou- veau Championnat d’Europe de la spécialité. Sur le circuit varois, elle s’oc- troie une brillante victoire aux mains d’Alain Cudini, un pilote émérite, titré Champion d’Europe de Formule Renault sur une monoplace Alpine A 366 en 1972. Il gagnera encore le 12 mai à Montlhéry dans une épreuve na- tionale. Le 23 juin, pour la seconde épreuve comptant pour le Champion- nat d’Europe, c’est Gérard Larrousse qui s’impose sur la même A 441 (châssis 441-1) devançant Alain Serpaggi sur une voiture sœur (châssis 441-0). Triplé à Nogaro dans le Gers, victoire à Misano en Italie, à Enna Pergusa en Sicile, puis à Hockenheim (Allemagne), au Mugello (Italie) et Jarama (Espagne). Avec cette septième victoire consécutive, l’A 441 est titrée Championne d’Europe des Sport-Prototypes et Alain Serpaggi reçoit la couronne pour les pilotes. Avec 77 points, il devance Gérard Larrousse (75 points) et Jean-Pierre Jabouille (73 points). Une véritable razzia, puisque le quatrième ne totalise que 45 points.

2.2 L’EFFET TURBO
Cette avalanche de victoires convainc Renault à persévérer tout en montant d’un cran. Pour cela, une nouvelle auto est dessinée, mais le plus important est sans aucun doute l’implantation dans ce châssis — dénommé A 442 — du moteur turbo 1996 cm3 de 490 chevaux développé par le motoriste maison, Bernard Dudot sur la base du V6. Il n’en faut pas moins pour aller tenter de marquer quelques points face aux voitures habituellement alignées dans le cadre du très disputé Championnat du Monde des Marques. Toutefois c’est une auto de transition qui est alignée lors de la première course disputée sur le circuit du Mugello en Italie, le 23 mars, pilotée par Larrousse et Jabouille, l’A 441 Turbo (châssis 441-1). Le même équipage termine troisième aux « 1000 kilomètres de Monza » le 20 avril et quatrième aux « 1000 kilomètres du Nürburgring », le 1er juin. L’ACO (Automobile Club de l’Ouest) organisatrice des 24 Heures du Mans a écrit son propre règlement. Le moteur turbo, cette année, n’y a pas sa place. En conséquence en cette année 1975 baptisée « Année de la Femme », c’est aux « filles » élégantes, Marie-Claude Beaumont, la française, et Lella Lombardi, l’italienne que revient l’honneur de défendre les couleurs d’Alpine sur le circuit manceau. Elles disposent pour cela d’une A 441 atmosphé- rique. Aux essais, la petite « deux litres » signe un très prometteur huitième temps scratch à trois petites secondes seulement de la pole position. Hélas, un problème d’alimentation d’essence mettra fin rapidement à ce qui devait être une démonstration. L’équipage 100% féminin abandonne éga- lement fin juin lors des « 1000 kilomètres d’Autriche » imitant ainsi le retrait des deux A 442 turbo engagées en parallèle. Par contre Gérard Larrousse et Jean-Pierre Jarier hissent une de ces A 442 (châssis 442-1) à la troisième place — et donc sur le podium — en juillet à l’issue de la course disputée sur le circuit de Watkins Glen aux USA.

[slideshow id=450]Le nouveau PDG de Renault, Bernard Hanon, décide de frapper fort : il veut que Renault remporte les 24 Heures du Mans et missionne Gérard Larrousse pour y parvenir. Celui-ci quitte donc son rôle de pilote pour suc- céder à Jacques Cheinisse à la tête du Service Compétition. « Renault Sport » est officiellement créé et Viry Chatillon prend le pas sur Dieppe. Une énorme page se tourne et un nouveau livre s’ouvre. Une équipe de pilotes de haut vol, issue majoritairement de la Formule 1 est engagée, un staff d’ingénieurs est rassemblé et une ambition est déclarée : participer au Championnat du Monde des Marques 1976. Malgré ces moyens impor- tants, les débuts sont plus que chaotiques avec le rocambolesque carambolage entre Depailler et Jabouille survenu dès le premier tour lors des « 300 kilomètres du Nürburgring » le 4 avril, détruisant totalement le châssis A 442-0 et abimant sérieusement l’autre (châssis A 442-1). Aux « 4 Heures de Monza », Henri Pescarolo, nouvelle recrue et Jean-Pierre Jarier, termi- nent second sur le châssis réparé. Trois autos engagées à Imola et trois abandons ne laissent pas augurer de grands espoirs pour les 24 Heures du Mans où une seule voiture (châssis 442-3) est engagée pour les fran- çais Patrick Tambay et Jean-Pierre Jabouille. Ce dernier réussit pourtant à mettre la Renault Alpine en valeur puisqu’il la place en pole position, à 230 km/h de moyenne, après avoir été chronométré à 337 km/h dans la ligne droite des Hunaudières. Une rupture de piston mettra fin à l’exhibition avant la mi-course. Double abandon encore aux « 4 Heures d’Enna » alors qu’aux « 200 Miles de Mosport » au Canada, Depailler termine quatrième puis second aux « 500 kilomètres de Dijon », assisté de Jacques Lafitte, et devançant la voiture sœur pilotée par les deux Jean-Pierre, Jabouille et Jarier.

Le bilan final est modeste en nombre de points mais l’équipe Renault Sport a beaucoup appris tant sur le moteur Turbo Renault Gordini que sur les châssis Renault Alpine.

2.3 VICTOIRE AU MANS
Changement de cap pour 1977 avec un centrage exclusif sur les « 24 Heures du Mans » où Renault engage quatre A 442. Un énorme pro- gramme d’essais est mis en place, multipliant les tests d’endurance, les simulations d’arrêt aux stands, les essais divers d’éléments de carrosserie etc…

La semaine précédant l’épreuve objet de toutes les ambitions, l’armada Renault Alpine fait un festival en plaçant ses quatre voitures parmi les cinq premières places. La pole position a été assurée par Jean-Pierre Jabouille qui connait l’A 442 mieux que quiconque pour en avoir assuré le développement depuis l’origine. Hélas, les pistons du moteur turbo ne résistent pas et, à nouveau, l’équipe rentre bredouille.

L’année 1978 semble être celle de la dernière chance. Le moteur V6 CHS 2 est fiabilisé, l’aérodynamicien Marcel Hubert affine encore la carrosserie et propose un toit bulle faisant office de saute vent, des essais nombreux sont à nouveau réalisés et les 10 et 11 juin 1978, la foule se presse pour assister à un match France-Allemagne disputé sur le circuit du Mans. Quatre voitures sont engagées. La A 443 — (châssis 443-0) avec moteur réalésé à 2138 cm3 pour Jabouille et Depailler — signe le second temps aux essais. Le talentueux pilote clermontois a roulé à 359 km/h dans les Hunaudières et a bouclé le tour du circuit en 3′ 28″ 4 ce qui restera — à ce jour — le meilleur temps réalisé par une Alpine sur le circuit manceau. Jouant le rôle de lièvre, la voiture navigue en permanence dans le peloton de tête. Au petit matin, elle semble avoir la course en mains. Un excès de prudence du stand fait réduire la pression du turbo pour ménager la mécanique ce qui a pour effet… de casser un piston. Jean-Pierre Jarier et l’anglais Derek Bell ayant dû abandonner à mi-course sur rupture du couple conique, les espoirs sont désormais sur l’A 442 n°2 (châssis 442-3) pilotée par le vétéran Jean-Pierre Jaussaud (41 ans) assisté du jeune Di- dier Pironi (26 ans). Le duo s’entend à merveille et se relaie intelligem- ment sous l’autorité de Michel Tetu, ingénieur de piste. À 16 heures, la ligne d’arrivée est franchie victorieusement. 5044 kilomètres ont été par- courus à 210 km/h de moyenne ! La quatrième A 442 (châssis 442-4) pilo- tée par les rallymen Jean Ragnotti et Guy Fréquelin termine… quatrième. C’est l’apothéose, le graal enfin atteint.

Cette victoire fait entrer Renault et Alpine dans la légende.

Mission accomplie, Renault Sport prend alors l’option de quitter le domaine de l’endurance pour se consacrer à la Formule 1 avec les succès que l’on connait.

TABLEAU DE SYNTHESE (ANNÉES 70)

– 12 Prototypes construits entre 1973 et 1978

– Tableau des Productions
Type A440 : 2 / A441 : 4 / A442 : 5 / A443 :1

– 10 engagements aux 24 Heures du Mans – 1 victoire scratch (1978)

– Autres victoires marquantes :
– 7 victoires au Championnat d’Europe des Sport-Prototypes « 2 litres » – Champion d’Europe des Sport-Prototypes « 2 litres » (1974) avec Alain Serpaggi.

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Trente-cinq ans plus tard, une nouvelle aventure est proposée aux nouvelles générations qui « tweetent » à tout va « Alpine est de retour au Mans »…

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  • –  Alpine est sans doute la seule marque automobile française ayant été titrée à la fois en rallye, en monoplace, et en prototype. Le tout avec peu de moyens et beaucoup de passion.
  • –  Le récent « Rallye Monte Carlo Historique » a montré à quel point son glorieux passé de reine des rallyes est encore dans toutes les mémoires. Les succès répétés des moteurs Renault en Formule 1 tant sur des châssis Renault que Benetton, Wil- liams ou Red Bull perpétuent les victoires acquises en monoplaces.
  • –  En endurance, après plus de deux cents départs répartis en deux périodes (135 entre 1963 et 1969 et 104 entre 1973 et 1978), ponctués de victoires internationales, de nombreuses victoires de classe ou aux indices et par l’inoubliable victoire scratch aux 24 Heures du Mans 1978, Alpine revient au Mans en juin 2013 dans la plus difficile des course d’endurance au monde. Avant d’assister à ce grand retour, c’est à un petit voyage dans le temps que ce dossier vous invite.

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    Bon surf !

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